Responsable de 13 % des émissions de gaz à effet de serre imputables aux transports, le secteur aéronautique doit s’orienter vers des solutions alternatives au kérosène pour permettre à la France de respecter ses engagements énergétiques et climatiques. Une des principales solutions envisagées : la mise en place de filières biocarburants aéronautiques durables, l’électrification ou l’hydrogène restant étant à ce stade envisagés pour les usages hors propulsion ou groupe moto-propulseur. L’Ancre et ses 15 partenaires institutionnels et industriels présentent, vendredi 29 juin 2018 à Paris, les conclusions de leur étude prospective et la feuille de route pour la recherche qui en découle, dans le cadre des événements organisés par la Commission nationale en charge du débat public sur la PPE, et alors que les ministères des Transports et de la Transition Écologique et Solidaire tiennent les Assises nationales du transport aérien jusqu’en septembre 2018.
Avec un taux de croissance annuel moyen du trafic, compris entre 4 et 5 %, l’impact climatique du transport aérien pourrait augmenter fortement. Les acteurs du secteur sont mobilisés pour répondre au défi du changement climatique avec des objectifs de réduction globale des émissions de CO2. Une des principales solutions envisagées est la mise en place de filières biocarburants aéronautiques durables.
Six biocarburants aéronautiques sont d’ores et déjà certifiés par l’ASTM* pour un usage en mélange avec le kérosène fossile et plusieurs nouvelles technologies sont en cours de certification.
L’Ancre, fédérant 19 institutions publiques de recherche pour l’énergie, s’est associée à 15 partenaires institutionnels et industriels pour conduire une étude sur le potentiel et les conditions de déploiement de ces filières biokérosène en France : état des lieux (technologies, règlementation, acteurs), potentialités sur le marché français (ressources, R&D, outils de production), priorisation des efforts de recherche et des moyens à mettre en place.Les conclusions de l’étude mettent en lumière deux leviers de recherche opérationnels essentiels au déploiement de ces filières en France.
Favoriser l’accès aux ressources biomasses durables
La France dispose déjà de nombreuses ressources biomasses mais, dans le cadre de l’Engagement pour la croissance verte, les efforts doivent porter sur la valorisation de biomasses « durables » :
- les déchets organiques industriels et urbains (huiles usagées, graisses animales et issus des réseaux d’assainissement, résidus de l’industrie agro-alimentaire, déchets organiques issus des ordures ménagères et de la restauration, déchets non recyclables issus de la collecte de papiers et de cartons, etc.) dont la logistique, la collecte et le conditionnement doivent être optimisés ;
- les ressources lignocellulosiques, issues en particulier des exploitations agricoles et forestières, dont les techniques et outils de récolte, conditionnement et stockage, doivent être déployées.
Cela nécessitera une structuration territoriale importante et une articulation, voire une priorisation de l’usage des ressources. À plus long terme, il est envisageable de faire appel à des ressources mobilisant des surfaces non allouées à l’alimentation comme les Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique), les cultures sur sols pollués ou les microalgues et autres micro-organismes pour lesquels des moyens de R&D nationaux seront nécessaires.
Renforcer la mobilisation et les moyens de la recherche française, en partenariat avec les acteurs de l’ensemble de la chaîne
Plusieurs filières pourraient être mobilisées à court/moyen terme pour une production commerciale de biokérosène, notamment :
- la filière d’hydrotraitement des huiles (HEFA), mature sur le plan technologique, mais dont l’orientation du procédé vers la production de biokérosène est aujourd’hui freinée par l’absence de politiques publiques incitatives ;
- à moyen terme (2020-2025), les filières de conversion de la biomasse lignocellulosique, avec notamment la filière portée par le projet BioTfueL dont le projet démonstrateur de production de biokérosène de 2e génération est en cours de validation (Dunkerque & Venette), ainsi que d’autres voies de type ethanol-to-jet ou isobutène-to-jet dont la chaîne complète de production de biokérosène doit encore être démontrée.
Pour les autres voies qui s’inscrivent à plus long terme, les moyens de R&D à mettre en œuvre s’articulent autour des axes suivants :
- la démonstration des procédés validés à l’échelle laboratoire, sur toute la chaîne de production et à des échelles plus proches des capacités industrielles ;
- l’évaluation de l’ensemble des impacts économiques, environnementaux et sociétaux (compétition d’usage, pertes de biodiversité, etc.) ;
- l’étude des impacts de l’utilisation de ces nouveaux biokérosènes sur les aéronefs et l’optimisation du couple carburant/aéronef.
L’accès du secteur aéronautique à des ressources durables reste également un enjeu prioritaire, qui demandera des évaluations, de la méthode et donc de la recherche.Tous ces efforts de R&D doivent être menés dans le cadre de partenariats multi-acteurs et interdisciplinaires, réunissant les parties prenantes de tous les maillons de la chaîne, pour renforcer les synergies et accélérer la mise en place des nouvelles filières. Ceci pourra se faire à l’échelle nationale, mais également européenne, notamment en matière de certification.
En vue du déploiement d’un marché français des biocarburants aéronautiques, les activités de R&D devront par ailleurs être accompagnées de la mise en place d’un cadre réglementaire stable, de politiques publiques incitatives et de long terme, de systèmes d’aides au financement des investissements industriels à réaliser et/ou d’une fiscalité appropriée sur les produits. D’autres travaux sont en cours sur cette problématique.
Télécharger
-> la synthèse de l’étude de l’Ancre sur les biocarburants pour l’aviation (pdf)
-> les présentations et le verbatim (pdf)
-> les documents en anglais (pdf) : ANCRE roadmap synthesis & ANCRE roadmap presentation
voir également la rubrique Nos réalisations
Au-delà des deux organismes coordinateurs des travaux, IFP Énergies nouvelles et le CEA et des instituts de recherches membres de l’Alliance, ont participé au comité de suivi : l’Ademe, les ministères de la Transition Écologique et Solidaire (Direction de l’aviation civile et direction Energie et Climat), de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de l’Agriculture (Direction de la performance Économique), des Armées (Service des essences des armées), Air France, Total, Airbus, Safran, Global Bioénergies, Suez, le Syndicat national des producteurs d’alcool agricole, Aéroports de Paris, le groupe Avril, la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande, le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales.
* ATSM : American Society for Testing and Materials https://www.astm.org/
le site de la Commission particulière chargée du débat public : https://ppe.debatpublic.fr/